Pendant que Belém accueille la COP30 et ses négociations tendues, une autre manière de traverser la crise climatique se vivait samedi 15 novembre dans une église lyonnaise. Là-bas pas de badge d’accréditation ni de couloirs diplomatiques, mais simplement une cinquantaine de personnes venues prier, débattre, chanter et chercher comment la foi peut aider à tenir debout dans un monde en crise. Une journée portée par A Rocha et le SEL pour rappeler que justice écologique et justice sociale ne sont pas deux combats séparés, mais les deux faces d’une même urgence.
D’emblée, le pasteur Thomas Poëtte plante le décor. Sa prière d’ouverture – « Seigneur, inspire-nous pour comprendre les problématiques qui touchent notre monde, et nous engager dans ce monde que tu aimes tant » – donne l’élan spirituel de la journée.
Depuis 2023, A Rocha et le SEL travaillent côte à côte pour sensibiliser les Églises à ces enjeux. Une initiative née au Centre évangélique, qui fait écho à la démarche Église verte, présentée ce jour-là par Hélène Neyrat.
Dans son discours introductif, le directeur général du SEL, David Alonso, ancre cette problématique dans une dimension concrète. Il décrit un monde où « appauvrissement des sols, biodiversité fragilisée, climat de moins en moins favorable, événements météorologiques extrêmes » aggravent chaque jour la vie des populations les plus pauvres. D’où la volonté, dit-il, « d’unir nos efforts pour donner un appui biblique et théologique au soin de la création », mobiliser les protestants évangéliques et interpeller les autorités. Il l’affirme : amour du prochain, soin de la création et témoignage chrétien « ne sont pas trois sujets distincts », mais trois dimensions indissociables.
Nourrir, produire, habiller : la foi au contact du réel
Dans le premier atelier, Marine Vandeventer s’appuie sur son expérience au sein d’un association de groupements d’achats solidaires implantés dans les quartiers populaires, pour montrer comment l’alimentation révèle des inégalités souvent invisibles. « On a tendance à imputer très vite la responsabilité à l’individu seul. Mais c’est oublier l’infrastructure, les subventions, la publicité, la commande publique qui nourrit nos enfants… Tout cela décide avant nous », explique-t-elle.
À ses côtés, Marianne Philit apporte le regard des producteurs et évoque le passage au bio, les marges compressées, les injonctions contradictoires du marché. Là encore, une même conclusion ; manger sainement n’est pas qu’une affaire de volonté individuelle.
Dans une autre salle, Aline Nussbaumer étale des étoffes : lin, coton, polyester, viscose, coton reçyclé… L’exercice, en apparence ludique, s’ouvre rapidement sur la dimension spirituelle du vêtement. « Si tout pétrole, toute forêt, toute peau d’animal, toute fibre de coton et de lin sont faits par et pour Christ, nous devons rester vigilants dans notre marchandisation, modification et utilisation des ressources », dit-elle. Le vêtement devient alors un lieu de relation et de responsabilité, entre la terre, ceux qui la travaillent et ceux qui qui en vivent.
Plus tard, Noélie Claudel parle d’un « trésor » découvert auprès des personnes du Quart Monde au sein du Sappel, mouvement chrétien engagé aux côtés des plus pauvres. En relisant Matthieu (« Les pauvres seront toujours avec vous »), elle refuse d’y entendre un fatalisme. « Accueillir les personnes en grande précarité, c’est être avec Jésus lui-même », confie-t-elle.
Dans un atelier voisin, Joseph Gotte interroge l’écart entre « fin du monde » et « fin du mois ». Il montre comment la conscience écologique varie selon le niveau de vie, la charge mentale, la précarité. Un encouragement à tenir compte des contraintes réelles de chacun.
Au fil des discussions, un socle commun affleure : l’écologie n’est pas un thème extérieur à la foi chrétienne, mais un prolongement de la conviction que « Dieu est le créateur de tout ce qui existe » (Ésaïe 40,28) et que « ses perfections invisibles se voient dans ses œuvres » (Romains 1,20). Rachel Calvert, présidente d’A Rocha France, le souligne, l’Église est appelée à participer à une mission de réconciliation qui concerne « la création tout entière ». Face au découragement provoqué par l’ampleur de la crise, elle invite à l’humilité autant qu’à l’espérance. Nos actions s’inscrivent dans la promesse que Dieu mènera sa restauration à terme.
Louange, climat et espérance
À la nuit tombée, l’église se remplit à nouveau pour un temps de louange conduit par Samuel Olivier. « Fort et puissant », « Tu es bon ». Des titres bien connus du monde évangélique, chantés à l’unisson par les participants, résonnent dans l’église lyonnaise. Au moment d’entonner le couplet de ce second chant, « Vent, soleil ou pluie, mon cœur te redit : tu es bon », l’artiste s’arrête. « Pour certains, le vent signifie tempêtes, le soleil sécheresses, la pluie inondations. » La louange prend alors une dimension d’intercession et de solidarité avec les populations vulnérables.
Vient ensuite l’apport biblique de Thomas Poëtte, qui s’attaque à une idée persistante : faudrait-il « prioriser les pauvres » plutôt que la création ? « Nous ne pouvons pas servir les plus vulnérables sans prendre soin de la terre dont ils dépendent pour vivre », répond-il, évoquant la Genèse, les prophètes et les injustices climatiques. La création, dit-il, « attend la révélation des enfants de Dieu » (Romains 8).
La soirée se conclut par une table ronde où plusieurs intervenants partagent comment, dans leurs métiers respectifs, leur engagement pour l’écologie et la justice sociale prennent corps au quotidien.
Vivre l’Évangile
Alors que les négociations climatiques se poursuivent à Belém, la rencontre lyonnaise laisse une impression de densité. Impossible ici d’évoquer toutes les discussions, les ateliers, les témoignages. Mais un thème se dégage, il s’agit d’un encouragement à aborder l’écologie sans caricature, sans jugement, avec le souci de l’unité et de la réalité vécue par chacun.
Tout au long des échanges, une certitude s’est renforcée : l’écologie chrétienne n’est pas un supplément d’âme. C’est une manière de vivre l’Évangile au service des plus vulnérables et de la terre que nous partageons.
A Rocha et le SEL entendent poursuivre ce chemin pour nourrir la réflexion théologique, soutenir les initiatives locales et rappeler que le Dieu créateur est aussi un Dieu de compassion, proche de ceux qui souffrent les premiers des dérèglements de notre maison commune.
Un aperçu de la COP 30 est disponible sur la chaîne YouTube du SEL :
Article de Camille Westphal