Réponse détaillée à la conférence d’Etienne Vernaz
Réponse coordonnée par Jean-François Mouhot, directeur d’A Rocha France, avec la participation du réseau des Ambassadeurs A Rocha. Merci en particulier pour leurs contributions à Antoine Bret (Professeur, Université de Castille La Mancha) et à Thierry Dudok de Wit (professeur à l’Université d’Orléans et au International Space Science Institute de Berne).
Note préliminaire
Le 30 octobre 2022 à l’Église La Porte Ouverte à Mulhouse, Etienne Vernaz a donné une conférence dans laquelle il remet en cause le consensus scientifique actuel concernant l’âge de la terre, la théorie de l’évolution, ou encore l’origine humaine et la gravité du réchauffement climatique actuel.
La vidéo de l’intervention a été filmée et peut-être retrouvée sur deux vidéos : vidéo 1 et vidéo 2. Nous utilisons le minutage de la vidéo 1, ci-dessous.
Nous avons d’abord écrit une réponse générale synthétique (que nous vous invitons à lire en premier). Mais ce document ici a pour but de pouvoir démontrer et fournir un appareil critique à ce que nous ne faisons que résumer dans le document synthétique.
Nous nous concentrons dans les sections qui suivent uniquement sur les parties qui concernent le changement climatique, même s’il y aurait fort à dire sur les autres points également (mais nous laissons cela à d’autres comme le site “Science et Foi” qui prépare également une réponse).
D’une manière générale Etienne Vernaz mélange des choses vraies, des choses partiellement fausses et des choses entièrement erronées. Beaucoup des arguments utilisés par le conférencier sont en quelque sorte un “pot pourri” d’arguments utilisés depuis de nombreuses années par des climato-sceptiques, et qui ont déjà été réfutés maintes fois; beaucoup sont aussi tirés des réseaux sociaux où les infox (fausses informations ou canulars) climato-sceptiques pullulent ; un grand nombre de ces infox sont régulièrement réfutées par des articles de l’Agence France Presse (que nous vous invitons à consulter) et sur de nombreux autres sites équivalents.
Méthodologie
1) Nous avons tout d’abord fait une capture d’écran des diapositives (slides) de la présentation Powerpoint qui concernent notre sujet.
2) Nous avons aussi retranscrit verbatim une partie de l’interview d’Etienne Vernaz, qui se trouve tout à la fin de la vidéo, après sa conférence proprement dite et nous faisons encore quelques remarques.
A chaque fois sous les portions de phrases ou les diapositives qui posent problème nous avons ajouté des commentaires.
A noter que la majorité des articles auxquels nous renvoyons sont en anglais. En effet presque toutes les publications scientifiques dans le monde sont dans cette langue, ce qui complique la recherche de vérité pour ceux qui ne lisent pas cette langue. Toutefois, des outils de traduction comme deepl.com ou Google translate permettent de se faire une bonne idée du contenu d’un article même si on ne lit pas l’anglais.
Nous n’avons pas voulu reprendre tout le discours d’Etienne Vernaz de manière exhaustive mais seulement les parties qui sont les plus problématiques en lien avec le sujet du réchauffement climatique. Les parties en italiques sont les propos verbatim d’Etienne Vernaz.
1. Diapositives
20. Par quoi sommes-nous formatés ? (1:35:50)
“Le changement climatique produit des effets dramatiques qui remettent en cause l’existence même de l’homme sur terre (urgence climatique, GIEC)”
Le temps du verbe est erroné et ne correspond pas aux propos du GIEC. Les scientifiques du climat ne disent pas, au présent, que le changement climatique remet en cause l’existence même de l’homme sur terre. Ils avertissent que le changement climatique, s’il n’est pas freiné, si l’on continue à brûler tout le pétrole, gaz, charbon qui nous tombe sous la main, peut provoquer, dans le courant du XXIème siècle, un réchauffement qui serait catastrophique pour l’humanité.
21. Une forte intimidation au nom de la science (1:37:25)
“La science a démontré que 97% des scientifiques s’accordent à dire que [le réchauffement climatique est d’origine humaine]. “
Ce chiffre souvent cité de 97% émane de deux études [Cook et al, 2013 et Cook et al., 2016]. Soit dit en passant, son premier et principal auteur, John Cook, est Chrétien comme il l’a confié récemment au journal The Guardian : “Je suis chrétien et je me trouve fortement interpellé par des passages de la Bible comme Amos 5 et Matthieu 25 (…). Je me soucie des mêmes choses que le Dieu en lequel je crois se soucie – le sort des pauvres et des vulnérables”.
Dans l’étude de 2013, les auteurs ont passé au peigne fin 11 944 publications en lien avec le réchauffement climatique pour conclure que 97% d’entre elles reconnaissent un lien entre réchauffement climatique et effets anthropiques. Un article indépendant [Tol, 2016] a critiqué leur méthode, sans remettre en question l’écrasante majorité de scientifiques qui affirment le rôle de l’homme. Un article plus récent conclut notamment : “Parmi les personnes ayant le plus haut niveau d’expertise (des experts climatiques confirmés de manière indépendante qui ont chacun publié plus de 20 articles évalués par des pairs sur le changement climatique entre 2015 et 2019), il y avait 100 % d’accord pour dire que la Terre se réchauffe principalement à cause de l’activité humaine.” (Myers et al, 2021)
“L’honnêteté veut qu’un modèle soit confronté aux faits, et on va revenir sur le modèle jusqu’à ce qu’on ait un accord entre le modèle et les faits. Et quand ça ne marche pas, on remet en cause notre modèle” (1:38:10)
C’est précisément ce qu’Etienne Vernaz ne fait pas. Il se garde bien de présenter les arguments (bien plus nombreux que les siens) qui mettent à mal son discours.
“Beaucoup de ces modèles sont aujourd’hui invalidés par les faits ».
C’est faux. Les comparaisons avec les prédictions passées et la réalité sont tout à fait satisfaisantes. Voir par exemple cette étude comparative. Même la multinationale Exxon Mobil, qu’on ne saurait soupçonner de dérive écolo, avait bien anticipé le réchauffement actuel, dès 1982, selon ce document (voir le graphique ci-dessous).
52. Fonte de la banquise (2:08:50)
Ces deux images côte à côte ont été reprises d’un récent post sur Facebook (comme le montre cet article qui en démonte les mécanismes trompeurs). Les images sont issues du National Snow and Ice Data Center (NSIDC). Elles semblent montrer que l’extension de la banquise arctique n’a pas varié entre mai 1989 et mai 2022. Pourtant, le site du même organisme contient également la courbe ci-dessous, pour tous les mois de mai depuis 1979,
Comme on le voit, ça baisse. Le NSIDC soutiendrait-il donc une chose et son contraire ? L’explication est simple.
La photo compare mai 1989, une année particulièrement basse à cette époque, avec mai 2022, année particulièrement haute (les traits rouges ont été ajoutés pour signaler les données qu’il a choisies). Un choix judicieux de 2 valeurs isolées parmi 43, pour donner l’impression que la tendance à la baisse n’existe pas.
Jouons maintenant le même jeu. Mais comparons les mois de mai 1985 et 2016. Les données du NSIDC donnent cela,
Là, on voit bien une perte. Mais ici encore, l’exercice est trompeur car nous avons choisi mai 1985, assez haut pour l’époque, et mai 2016, assez bas pour l’époque. Seule la courbe de tous les mois de mai depuis 1979 permet d’apprécier réellement la perte sur le long terme.
Pourtant, la perte n’est pas énorme, même quand nous trichons autant que ceux qui ont assemblé ces photos. Pourquoi? Parce que le mois de mai correspond au moment de l’année où l’extension de la glace arctique est presque maximale. Et cette extension maximum est limitée par les continents environnants, comme on le voit sur les cartes.
Au lieu de choisir les mois de mai, mois d’une extension maximale limitée par les terres mitoyennes, choisissons les mois de septembre, à la fin de l’été, où l’extension est minimale, et que rien ne limite par le bas. Les données sont disponibles sur le site du NSIDC et la courbe est celle-ci,
Là, y’a pas photo, ça rétrécit nettement. Encore plus nettement que pour les mois de mai. Choisissons pour finir 2 années représentatives, c’est à dire qu’on ne triche pas, de la tendance à long terme figurée par la ligne en pointillés. Les mois de septembre 1980 et 2019, qui sont presque sur la droite en pointillés. Les cartes du NSIDC donnent cela,
Là encore, on voit très clairement la tendance à la baisse très claire de la banquise.
Au final : ces diapos, qui ont beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, offrent un bel exemple de défaut de logique courant couramment pratiqué par les climatosceptiques. En réalité, il y a deux défauts sur la marchandise. Le premier, qu’on appelle picorage, ou “cherry picking” en anglais, consiste à comparer des dates judicieusement choisies qui semblent indiquer une stabilité de la banquise, en ignorant toutes les autres dates qui montrent au contraire une diminution réelle de la banquise. Le second piège consiste à choisir un type d’observation qui n’est pas pertinent. Dans notre cas, le choix de comparer l’état de la banquise en mai plutôt qu’en septembre ne rend pas bien compte de l’évolution réelle de la quantité de glace. La quantité la plus pertinente aurait d’ailleurs été la concentration en glace et non pas la présence de glace. Ces exemples nous montrent combien il faut être prudent avec la manipulation de données climatiques en l’absence de regard expert.
53. Marégraphe de Brest (2:08:52)
“Le niveau monte gentiment de 16 cm par siècle. Il n’y a vraiment pas péril en la demeure. Il n’y a aucun problème. Et ça redescendra lorsque ça refroidira le climat refroidira (sic). Il n’y a aucun problème, Mais les modèles continuent à prédire des mètres et des mètres d’augmentation et des villes noyées” (2:09:16)
L’image semble issue de la thèse de Nicolas Pouvreau. “Trois cents ans de mesures marégraphiques en France : outils, méthodes et tendances des composantes du niveau de la mer au port de Brest”. Climatologie. Université de La Rochelle, 2008.
Le niveau marin a commencé à monter progressivement depuis le XIXème siècle, après avoir été stable pendant près de 3500 ans. Il est donc important de préciser sur quelle période on détermine sa hausse. Dans la figure de la présentation, le taux de montée est évalué sur un siècle et vaut 16.5 cm par siècle. En 2020, ce taux est estimé à 4 mm/an, soit de 40 cm par siècle. Pour le déterminer, il est important d’effectuer des mesures en divers points du globe parce que les valeurs des marégraphes individuels sont affectées par des effets tels que le mouvement vertical du sol. Le taux mentionné dans la figure sous-estime donc fortement la véritable montée du niveau marin. Les dernières observations de la fonte de la calotte glaciaire en Antarctique font craindre une hausse encore plus rapide que prévue.
Une augmentation du niveau marin de plusieurs mètres en 2300 n’est donc hélas pas une fiction mais une réalité qui est solidement étayée par les observations. En France, plus de 250 000 personnes devront à terme quitter les zones littorales. Au niveau mondial, cela concernera plus d’un milliard d’habitants. Les régions pauvres comme le Bangladesh seront particulièrement touchées. Il y a donc un énorme enjeu de justice climatique.
La carte en lien permet de visualiser l’étendue des zones inondées en fonction du niveau marin.
Pour finir, le niveau marin redescendra-t-il, comme annoncé, si le climat venait à se refroidir ? Oui, bien évidemment. Mais en raison de l’inertie du système climatique et de la longue durée de vie des gaz à effets de serre dans l’atmosphère, cette baisse sera lente, très lente. Même si aujourd’hui même l’humanité cessait totalement d’émettre des gaz à effets de serre, il faudrait bien plus d’un millénaire pour retrouver des conditions climatiques comparables à celles qui prévalaient dans les années 1950. Pour retrouver le même niveau de la mer ce sera encore plus long.
54. Pas d’urgence climatique (2:09:45)
“Plus de mille scientifiques renommés, des prix Nobel, des académiciens, ont signé un manifeste disant: il n’y a aucune urgence climatique. Tout ça nous trompe. Et vous n’en entendez pas parler car on est supprimé de séjour, on est interdit sur Youtube. Sur Google on fait tout pour que ça n’apparaisse pas.”
Tout d’abord, l’AFP a fait un excellent travail de décorticage de tous les problèmes posés par cet appel dans un article – en Français.
Remarquons ensuite que le rapport “There is no climate emergency” se trouve en tête des recherches (résultat n°1) sur Google en tapant “there is no climate emergency” ou d’autres termes de recherche. Donc c’est tout à fait faux de laisser entendre que le rapport a été supprimé de Google.
Etienne Vernaz soulève ici le point important de l’autorité scientifique. Un rapport émanant de plus de mille scientifiques doit forcément porter un message important qu’on ne peut ignorer, non ? Qu’en est-il réellement ?
Regardons d’abord les signataires. Il y en a actuellement plus de 1100, dont Etienne Vernaz. Parmi les autres figure un (et non “des”) lauréat du prix Nobel en la personne d’Ivar Giaever. Ce dernier est reconnu pour ses travaux sur les semiconducteurs. Quelle est son expertise sur les questions climatiques ?
Dans la liste des signataires figurent ensuite des universitaires, des ingénieurs et aussi des personnes sans doctorat. On y trouve des physiciens mais aussi des médecins, de nombreux géologues, des journalistes, et au final très peu de scientifiques travaillant en lien avec le climat. Quelle crédibilité accorder à ce document face aux rapports du GIEC, dont chacun s’appuie sur plus de 10 000 publications scientifiques travaillant en lien avec le climat, pour ensuite dresser le bilan des connaissances ?
Enfin, quel est l’organisme mandataire de ce rapport ? Il s’agit ici de CLINTEL (Climate Intelligence), une fondation néerlandaise qui travaille en partenariat avec des think tanks tels que Friends of Science qui sont principalement financés par les industries du gaz et du pétrole. Ces think tanks, qui sont particulièrement actifs sur la scène politique mondiale, défendent une vision du monde selon laquelle l’homme n’est pas responsable du réchauffement climatique. Sans surprise, on peut noter que plusieurs des signataires du rapport (et en particulier de nombreux géologues) ont des liens avec les industries extractives. Dans ce contexte, peut-on encore faire confiance au message de ce rapport s’il y a autant de conflits d’intérêt ?
Contrairement à ce qu’affirme Etienne Vernaz, la terre ne se réchauffe pas “gentiment”: le réchauffement est très rapide et est sans précédent dans l’histoire humaine et elle accélère. On pourrait plutôt prendre comme image celle d’une fièvre qui monte progressivement, et comme pour le corps humain une augmentation de 1°C (et a fortiori de 5°C) n’est ni anodine ni une bonne nouvelle. 5°C c’est ce qui nous sépare de la dernière période glaciaire, époque où l’océan était abaissé de 120 mètres par rapport à aujourd’hui. Donc le réchauffement n’est pas une bonne nouvelle, même s’il y a quelques effets bénéfiques attendus. Ce qui est sûr, c’est que “les impacts négatifs du réchauffement climatique sur l’agriculture, la santé et l’environnement l’emportent largement sur n’importe quel point positif.”
57. Résistez à l’intimidation
Contrairement à ce que laisse entendre cette diapositive, il y a de nombreux chrétiens qui sont aussi scientifiques, y compris de nombreux climatologues comme Katharine Hayhoe, une évangélique américaine, ou l’un des premiers coprésidents de la COP, John Houghton, qui affichait clairement sa foi évangélique (le rapport du GIEC de 2021 lui est d’ailleurs dédié, comme le rappelle cet article de Christianity Today).
Ces chrétiens, dont nous faisons partie, ne partagent pas du tout les opinions d’Etienne Vernaz. Nous ne sommes pas athées et c’est justement parce que nous sommes chrétiens que nous travaillons à la sensibilisation au réchauffement climatique et au changement de nos modes de vie. Nous sommes mobilisés par amour pour nos prochains de nos enfants et de nos petits enfants et de nous-mêmes ; et par obéissance et amour pour Dieu.
De nombreux livres offrent des témoignages venant de scientifiques chrétiens contemporains sur le lien entre la science et leur foi, cf. par exemple J. Berry et al., Real Science, Real Faith (Monarch Books, 1991) ou encore D. Haarsma, Delight in Creation : Scientists Share Their Work with the Church (Center for Excellence in Preaching, 2012).
Ces témoignages révèlent une harmonie entre la pratique scientifique et celle d’une foi vivante. La science y apparaît comme un outil qui leur permet d’explorer le monde, de déceler les lois qui le gouvernent, et d’y reconnaître la puissance de la main créatrice de Dieu. Nous ne sommes donc point dans le conflit ou la confrontation, et encore moins dans une “pensée anti-Dieu”. Nous sommes au contraire dans le registre de l’harmonie et de la (re)connaissance.
Ce qui est problématique dans le discours d’Etienne Vernaz est précisément cette insistance sur l’opposition entre la science, synonyme de mal, et la volonté de Dieu. Cette vision clivante empêche toute réflexion plus profonde telle que celle prônée par l’historien et sociologue protestant Jacques Ellul [J. Ellul, Le bluff technologique, Fayard, 2012], qui a su mettre en évidence la nature ambivalente du progrès scientifique et la science : ni bonne, ni mauvaise, et encore moins neutre. Si les applications de la science se retournent contre le Créateur, c’est d’abord parce que nous vivons dans un monde déchu, et sommes sous la coupe du péché.
Pour finir, cette diapositive parle de la proposition de “Réapprendre une pensée critique par des faits vérifiés (…)”, avec laquelle nous sommes bien évidemment d’accord. La démarche scientifique repose sur un questionnement généralement critique de l’état des connaissances, afin de “faire avancer les choses”. Mais il ne semble pas qu’Etienne Vernaz pratique lui-même ce qu’il prêche.
2. Retranscription d’une partie du discours verbatim
(de 2:06:43 à 2:11:57)
Discussion après la prédication
2:44:35 “dans le GIEC il y a zéro expert”.
C’est faux. Les gens qui rédigent les rapports du GIEC sont des experts qui, à la demande de l’ONU, font une synthèse des connaissances sur la science du climat. Nous en connaissons personnellement. Les rapports du GIEC ne sont pas écrits par des employés de bureau peu efficaces de l’ONU, mais par des scientifiques.
2:45:00 “Ils extraient, ces experts, juste ce qui les intéresse, ce qui va dans le sens de leur propagande. Il y a 50 modèles et ils extraient celui qui fait peur…”
Pour avoir contribué à un de ces panels (Climate Model Intercomparison Project, CMIP6) qui fournissent les données alimentant les modèles pour construire les scénarios du GIEC, Thierry Dudok de Wit (l’un des contributeur de ce document) peut dire que ce genre d’affirmation infondée est totalement faux. “Au contraire, j’ai été impressionné par la qualité du travail accompli et par la volonté des modélisateurs de s’en tenir aux faits, sans chercher à favoriser tel ou tel modèle. Et le rapport du “Working Group 1” ne se prive pas de commenter les modèles dont le comportement s’écarte du reste”.
2:46:00 “J’ai un de mes amis qui est à l’institut de physique du globe qui a réussi à faire passer une publication qui montre que le changement climatique est lié au soleil. Et par accident, je dirais, la publication est sortie dans ce grand journal et elle a été retirée quelques mois après. Et il m’a dit pourquoi, vous aviez accepté, il y avait des reviewers qui l’avaient accepté. Pourquoi tu ne la vois plus ? Et la réponse du patron du journal qui avait reçu des menaces politiques est: on ne l’a pas donné au bon reviewer, on l’a donné à des scientifiques au lieu des politiques. Voilà la vraie réponse. Et du coup ils l’ont éliminé parce qu’il ne va pas dans le sens de la doxa ambiante.”
Cette affaire qu’évoque Etienne Vernaz fit grand bruit en 2009; elle fut largement commentée par la communauté scientifique. Elle concerne non pas un mais plusieurs articles de Vincent Courtillot et de son équipe de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Vincent Courtillot est un géophysicien qui est reconnu pour ses travaux sur les causes de l’extinction des dinosaures. Vers la fin de sa carrière, il a co-écrit une série d’articles remettant en question les causes anthropiques du réchauffement climatique. Plusieurs climatologues ont critiqué ces travaux, dont certains sont entachés d’erreurs grossières. Il était donc a priori difficile de les publier dans une revue scientifique sérieuse, car celles-ci font évaluer tout manuscrit par un, voire plusieurs relecteurs (reviewers) anonymes.
Malgré ces critiques, plusieurs de ces articles ont réussi à voir le jour dans la revue scientifique Earth and Planetary Science Letters, qui est connue pour son sérieux. Or il s’est avéré après coup que pendant la même période, Vincent Courtillot ou ses collègues avaient fait partie du comité éditorial de la revue. A ce titre, ils avaient confié la relecture des manuscrits de leur équipe à des scientifiques de leur choix, en violation flagrante du code de déontologie qui exige un processus éditorial indépendant et anonyme (voir par exemple cet article et celui-ci).
Cette affaire donna lieu à un court article dans la revue internationale Nature. Elle connut divers rebondissements dont le traitement complaisant par la revue d’une erreur mise en évidence par des scientifiques dans un des manuscrits (voir cet article). Suite à ces accusations de fraude, le comité éditorial de la revue fut entièrement renouvelé et la publication – dans cette même revue – d’articles sur le climat co-signés par Vincent Courtillot cessa.
Ainsi, contrairement à ce qu’affirme Etienne Vernaz, la soi-disant victime de pressions politiques est au contraire une personne accusée d’avoir violé les règles d’éthique scientifique. Inverser ainsi la situation pour la tourner à son avantage, en occultant une large partie des faits, est inacceptable.
Quant au rôle présumé de la variabilité solaire dans le réchauffement climatique observé depuis le XXème siècle, c’est un argument récurrent avancé par les climatosceptiques (voir par exemple cet article). Cette hypothèse s’appuie essentiellement sur des corrélations observées entre le niveau d’activité solaire et certaines observations sur Terre. Or l’existence de telles corrélations ne prouve rien sans une explication scientifique qui peut ensuite être validée ou réfutée par les faits. Selon le dernier rapport du GIEC, une contribution du soleil au réchauffement actuel est non nulle mais reste dérisoire face à la contribution anthropique.
Pour une analyse plus approfondie du rôle du Soleil, voir cette étude coordonnée par Thierry Dudok de Wit, ou encore cet article paru dans Pour la Science (2016) et dans The Conversation (2018). Voir aussi cette conférence d’Antoine Bret.