La moitié des forêts de montagne de l’Hexagone et de Corse menacées par le changement climatique, selon la Liste rouge des écosystèmes en France
Nos activités et le changement climatique impactent à différentes échelles la biodiversité du monde entier, entraînant un appauvrissement de la diversité au sein des écosystèmes et un effondrement des populations de la faune et de la flore. Mais à quel point les écosystèmes autour de nous sont-ils menacés par les variations du climat et notre exploitation du territoire ? En France, les écosystèmes présents dans les forêts de montagne font partie des plus vulnérables. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) étudie l’état de la biodiversité dans le monde. Un de ses angles concerne les écosystèmes et l’évaluation de leur risque d’effondrement. Une étude a été réalisée sur les écosystèmes forestiers de montagne en France et la suite de cet article en présente les résultats ainsi que des pistes pour agir.
Les écosystèmes forestiers de montagnes sont menacés
L’étude menée par l’UICN a conclu que sur les 19 écosystèmes décrits et évalués selon les critères de la Liste rouge des écosystèmes, 10 écosystèmes sont classés « menacés » et 6 sont identifiés comme « quasi-menacés ».
La Liste rouge des écosystèmes est une méthode d’évaluation qui vise à estimer le risque d’effondrement des écosystèmes selon des standards établis scientifiquement. Grâce à cette méthode, il est possible d’identifier les écosystèmes menacés et les dynamiques de dégradation. Cette liste est également un outil qui permet de faciliter le développement des stratégies de conservation.
Un écosystème comprend un milieu physique, ses caractéristiques (nature des roches, climat…) et l’ensemble des communautés vivantes qui vivent dans ce milieu (faune, flore, champignons, micro-organismes…). Son fonctionnement repose sur les relations entre le milieu physique et les êtres vivants, ainsi que les interrelations des différentes espèces. Toutes ces interactions au sein de l’écosystème permettent de créer les conditions favorables à la vie et au maintien des différents êtres vivants qui le composent. Un écosystème est dynamique et peut se modifier à mesure que les conditions des milieux changent ou que les populations d’êtres vivants évoluent.
Les forêts de montagne, milieux inédits et refuges de biodiversité
Les forêts de montagnes sont les forêts présentes en altitude sur les massifs montagneux. Une multitude d’écosystèmes existe en France au sein de ces forêts de montagnes. Trois grandes catégories ont été retenues pour être étudiées dans ce rapport, en fonction des espèces de grands arbres présentes en majorité : forêts mixtes de hêtres et sapins blancs, forêts de sapins blancs ou d’épicéas communs et forêts de pins.
Les massifs de montagne en France sont des lieux de riche biodiversité et chaque écosystème forestier a ses propres caractéristiques environnementales : climat, altitude, géologie, type de sol. Par leur altitude élevée, les forêts de montagne abritent des espèces qui se sont adaptées à des conditions extrêmes et qui ne vivent que dans des écosystèmes précis. Ainsi, les forêts de montagne jouent un rôle majeur en termes d’accueil de la biodiversité et de richesse en ressources génétiques. Ils constituent des milieux dits « irremplaçables »[1] concernant la biodiversité. De plus, les forêts nous fournissent également de nombreux services pour les loisirs, pour la protection contre les glissements de terrains et les chutes de pierres ou encore pour la production de bois.
Les écosystèmes forestiers sont complexes car ils sont le terrain de riches processus comme notamment le cycle des arbres (cycle sylvogénétique) et d’interactions importantes entre les végétaux et les sols. De plus, l’histoire des forêts est étroitement liée à l’histoire de l’exploitation humaine des territoires. De ce fait, malgré l’étude approfondie des forêts de montagnes, des incertitudes demeurent sur leur avenir. En effet, la complexité des processus, la variabilité de la réponse des écosystèmes aux pressions, et le manque de profondeur temporelle des données disponibles ont régulièrement abouti à la conclusion d’un manque de données pour catégoriser le risque d’effondrement des écosystèmes.
Les conclusions de l’étude témoignent donc davantage d’une forte incertitude concernant la réponse des écosystèmes forestiers aux cocktails de pressions et aux facteurs de vulnérabilité qui modulent leurs effets, que d’un véritable désert de connaissances.
Des bouleversements inédits marqués par le changement climatique et l’héritage de l’exploitation des territoires
Les écosystèmes forestiers de montagne sont maintenant exposés à des conditions climatiques qui diffèrent de plus en plus de celles qui ont permis leur mise en place. En effet, la tendance à une augmentation des températures découlant de l’augmentation de l’effet de serre est globalement plus marquée en montagne qu’en plaine et impacte aussi la quantité d’eau disponible (déficit en eau plus marqué, changement de l’humidité atmosphérique). Le changement climatique interagit également avec d’autres types de pressions telles que la pollution par l’ozone atmosphérique, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes, l’abondance d’ongulés sauvages, le développement touristique ou encore l’exploitation forestière par des plantations monospécifiques. Ces différents paramètres vont plus ou moins impacter le cycle sylvogénétique mais généralement conduire à son raccourcissement.
Les surfaces et la physionomie des forêts de montagnes ont été marquées, et le sont encore aujourd’hui, par l’exploitation forestière des territoires au cours des âges : périodes de défrichement puis de reboisement actif par plantation et enfin de reboisement spontané. Les espaces boisés au sein d’un même écosystème peuvent donc présenter des physionomies différentes en fonction de la manière dont ils ont été exploités, et donc évoluer différemment face à des pressions extérieures.
Agir pour la résilience des forêts de montagne et le renforcement des connaissances
Il apparaît alors comme primordial d’agir pour la protection des forêts de montagne qui représentent des territoires à enjeux pour la protection du patrimoine naturel. Un axe d’action concerne la préservation et la restauration de la biodiversité et des processus propres aux écosystèmes pour favoriser la naturalité des forêts de montagne. Une autre ligne d’action est d’assurer la pérennité des programmes de surveillance des forêts qui permettent le recueil d’informations essentielles pour mettre en place des actions efficaces et adaptées aux évolutions.
L’action d’A Rocha dans l’étude et la protection des forêts
Depuis 2008, l’association A Rocha France est gestionnaire d’un domaine abritant des écosystèmes forestiers de montagne : le domaine des Courmettes. Situé à Tourrettes-sur-Loup, dans les Alpes-Maritimes, le domaine des Courmettes s’étend sur 600 hectares de nature préservée. À 850 mètres d’altitude, ce site offre des vues spectaculaires sur la Méditerranée et le massif du Mercantour. Classé Natura 2000 et intégré au Parc Naturel Régional des Préalpes d’Azur, le domaine est un lieu unique pour la conservation de la biodiversité et la sensibilisation aux enjeux environnementaux.
Au sein du domaine se trouvent plusieurs chênes verts centenaires qui font l’objet d’études de la part du CNPF notamment concernant l’impact des herbivores sur la régénération de la forêt. La zone autour de ces chênes est protégée par des barrières naturelles pour éviter le piétinement du public empruntant les sentiers du domaine. Des panneaux de signalétique vont également être installés pour sensibiliser le public aux enjeux des arbres sénescents.
Pour conclure
Chaque écosystème a son importance et réagit de manière particulière aux pressions qui lui font face. Ces études réalisées sur les écosystèmes forestiers de montagne nous montrent l’importance d’agir pour assurer leur avenir car ils abritent une biodiversité unique et des espèces incroyables. Leur état d’effondrement est sujet à évoluer et il est difficile de prévoir comment exactement, mais la mise en place d’actions de restauration et de surveillance permettra d’assurer au mieux leur sauvegarde.
Du côté individuel, nous pouvons nous aussi jouer un rôle dans la protection de ces écosystèmes qui font partie de notre patrimoine. Nous pouvons identifier les forêts de montagnes proches de chez nous, nous y intéresser et peut-être même participer à leur conservation. Car, en définitive, protéger nos forêts c’est préserver la biodiversité et agir contre le dérèglement climatique.
Pour aller plus loin
Cet article contient un résumé des résultats de La Liste rouge des écosystèmes en France – Les forêts de montagne, Hexagone et Corse publié en 2025 par : le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Office français de la biodiversité (OFB), le Musée national d’histoire naturelle (MNHN) en partenariat avec les Conservatoires botaniques nationaux (CBN) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Podcast “Chaleur humaine”, épisode Comment sauver les forêts françaises ?
[1] Selon l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN)