Réaction à la conférence d’Etienne Vernaz

Plusieurs personnes nous ont fait part de leurs interrogations suite à la conférence donnée par Etienne Vernaz le 30 octobre 2022. Dans cette conférence, il remet en cause le consensus scientifique concernant l’âge de la terre, la théorie de l’évolution, ou encore l’origine humaine et la gravité du réchauffement climatique actuel. Une vidéo (1) a été diffusée sur YouTube et compte déjà plusieurs dizaines de milliers de vues. Nous souhaitons partager ici notre réaction.

L’association A Rocha France – qui partage les convictions chrétiennes du conférencier – encourage les chrétiens à prendre soin de la création selon les enseignements de la Bible. Tout comme Etienne Vernaz nous croyons nous aussi en un Dieu créateur de l’Univers qui continue à s’intéresser à sa création et à ce que font les êtres humains. A l’exception d’une des signataires (qui signe en tant que présidente d’A Rocha), nous sommes également universitaires et avons publié des articles et/ou ouvrages sur le réchauffement climatique et la crise écologique.

Nous trouvons regrettable que la responsabilité humaine dans le changement climatique actuel ainsi que son caractère gravissime soient niés dans les propos tenus dans cette conférence. La majorité des propos exprimés à cette occasion sur le changement climatique sont faux, tel que nous le démontrons dans ce document réfutant point par point certains arguments employés. Ces arguments trompeurs nous paraissent susceptibles d’égarer les auditeurs et c’est pourquoi A Rocha se mobilise pour les démentir. Il n’y a pas de position neutre concernant la crise écologique actuelle. La position qui consisterait à dire, en tant que responsable chrétien, “Je ne sais pas si le réchauffement climatique est d’origine humaine ou pas », voire d’affirmer “Ce n’est pas grave et de toute façon Dieu pourvoira” n’est pas sans poser de réels problèmes. 

Pour prendre une analogie, si quelqu’un vous disait : « Mon médecin vient de me diagnostiquer un cancer du poumon, et il me dit que je devrais arrêter de fumer tout de suite. Qu’en penses-tu ? », que lui répondriez-vous ? Vous contenteriez-vous d’aller chercher une réponse en écoutant une conférence sur YouTube ? Vous pourriez en effet trouver sur internet (ce qui semble vrai selon cet article) que Jeanne Calment a fumé jusqu’à l’âge de 117 ans, tout comme d’autres centenaires, et qu’il y a des médecins qui ont longtemps nié que le tabac favorisait le développement du cancer. Répondriez-vous du coup à la personne : « En fait, fumer ne donne probablement pas le cancer, ça semble même une bonne chose, tu peux donc continuer à fumer en paix » ? 

Aujourd’hui, les scientifiques nous disent que nous sommes collectivement diagnostiqués avec l’équivalent d’un cancer de plusieurs organes ; que la cause principale est notre addiction aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon…) et que la seule solution c’est d’arrêter de « fumer », c’est à dire d’arrêter de brûler des énergies fossiles et d’émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Dire simplement « Je ne sais pas si c’est vrai » ou “Je ne prends pas position” n’est pas neutre et encourage l’inaction et l’apathie. Il est légitime d’avoir des doutes, mais face à ce qui constitue probablement l’enjeu majeur de notre siècle, nous encourageons vivement les chrétiens à prendre du temps pour s’informer et acquérir une conviction sur le sujet, en n’écoutant pas que les avis des « sceptiques » mais aussi celui des nombreux chrétiens qui s’en inquiètent. 

Comme tous les chrétiens, nous plaçons notre espérance en Jésus-Christ seul et non en la science. Nous croyons cependant fermement que les scientifiques aujourd’hui ont un rôle essentiel pour nous alerter et nous mettre en garde contre l’injustice engendrée par le réchauffement climatique et la surexploitation des ressources. La science et la Bible se rejoignent en fait sur un même constat : le péché est à l’œuvre dans ce monde. La science n’apporte pas LA solution, elle offre un diagnostique similaire à celui posé par la Bible : les raisons principales de nos problèmes actuels sont l’égoïsme et la consommation excessive des plus riches (nous) ; et c’est ce qui cause le plus de tort aux pauvres et aux plus vulnérables, ainsi qu’aux générations futures.

Nous soulignons l’importance et l’urgence pour l’Eglise à ce que des spécialistes et experts chrétiens apportent aux fidèles un propos étayé scientifiquement sur le changement climatique, tout en articulant le lien avec les Écritures et en insistant sur le mandat donné par Dieu de prendre soin de nos prochains, aussi éloignés soient-ils, et de l’ensemble de sa création.

Nous prions que le Seigneur nous pardonne pour l’injustice que nous commettons à l’égard des plus pauvres, et nous nous lui demandons qu’Il fasse toute la lumière et la vérité sur le changement climatique, et que nos frères et sœurs qui croient qu’il s’agit d’un complot “du monde” puissent voir la vérité de cette injustice. Nous prions qu’il nous équipe pour agir en faveur de ceux qui souffrent de ces injustices.

Signatures

Professeur Antoine Bret, Université de Castille-La Mancha, auteur de 119 articles scientifiques dans des revues à comité de lecture, fréquemment Professeur Invité à l’Université de Harvard, enseignant universitaire sur le thème énergie climat depuis 2004 et auteur d’un livre de cours sur le sujet (The Energy-Climate Continuum: Lessons from Basic Science and History, Springer 2014), et ambassadeur d’A Rocha.

Professeur Thierry Dudok de Wit, Université d’Orléans et International Space Science Institute (Berne), auteur de plus de 150 articles scientifiques dans des revues à comité de lecture, dont 6 en lien avec le forçage radiatif solaire et son rôle dans le réchauffement climatique. Co-éditeur du livre Earth’s climate response to a changing Sun (EDP Sciences, 2015) et ambassadeur d’A Rocha.

Dr. Joël White, vice-président d’A Rocha France, maître de conférences à l’Université Toulouse III (EDB UT3-CNRS-IRD). Chercheur en écologie, auteur de 30 articles scientifiques dans des revues internationales à comité de lecture dont Nature Ecology & Evolution, Proceedings of the National Academy of Science USA, Proceedings of the Royal Society, etc. 

Rachel Calvert, Présidente d’A Rocha France, engagée depuis une vingtaine d’années dans un travail d’implantation d’Églises et d’accompagnement pastoral au sein d’une union d’Églises protestantes évangéliques ; diplômée en histoire (Université d’Oxford), Études bibliques et interculturelles (All Nations Christian College) et titulaire d’un master professionnel en missiologie et implantation d’Eglises (FLTE).

Dr. Jean-François Mouhot, directeur d’A Rocha France, ancien enseignant et chargé de recherche aux Universités de Georgetown, Birmingham et Lille, auteur de Des Esclaves énergétiques, réflexions sur le changement climatique et co-éditeur de Evangile et changement climatique et de plusieurs articles publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture sur le changement climatique.

P.S. (ajout du 15/11/2022) Etienne Vernaz apparaît déjà dans plusieurs vidéos climato-sceptiques. Il y a presque 3 ans, notre collègue Dr Steve Tanner, président d’A Rocha Suisse, lui avait envoyé un argumentaire scientifique démontrant ses nombreuses erreurs. Steve Tanner n’a jamais eu de réponse de sa part. Voici le texte qui avait été envoyé à E. Vernaz, resté sans réponse de sa part.

Ressources 

Pour vous renseigner sur la réalité de la crise et comprendre en quoi il est important d’agir en tant que chrétiens, vous pouvez commencer par des ressources chrétiennes disponibles sur notre site internet. Si vous lisez l’anglais, vous pouvez consulter le site web richement documenté de la climatologue et chrétienne évangélique engagée Katharine Hayhoe, ou encore le site skeptical science (tenu par le Chrétien John Cook) qui décrypte les arguments des climatosceptiques. Vous pouvez aussi écouter la conférence d’Antoine Bret sur le changement climatique, pourquoi, comment  ou écouter le podcast Comprendre et répondre au climato-scepticisme.

Il existe aussi de nombreuses ressources non spécifiquement chrétiennes. Vous pouvez écouter le podcast « Les Calottes sont cuites » (produit par Météo France et Géo), voir des infographies (par exemple sur les rapports du GIEC). Nous vous recommandons aussi les conférences, vidéos, interviews de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici – vous pouvez chercher sur YouTube des vidéos de ses conférences ou lire ses différents livres ou sa BD Le Monde Sans Fin. Le site Bon Pote aborde plusieurs des problématiques évoquées par Etienne Vernaz, avec un traitement de fond par des experts du sujet. Et vous pouvez trouver aussi l’analyse des erreurs du discours d’un autre climato-sceptique, Vincent Courtillot, sur cette vidéo du Réveilleur.

(1) lien vers la vidéo de la conférence d’Etienne Vernaz

Voter : un éco-geste qui compte

C’est sans doute l’une des questions les plus posées du moment : que peut faire un individu, à son échelle, face à l’ampleur du problème du réchauffement climatique ? Quelle action a le plus d’impact pour réduire ses émissions de CO2 ? Devenir vegan ? Arrêter de prendre l’avion ? Recycler ? Acheter des compensations carbone ? Et qu’en est-il dans tout ça de notre participation à la vie démocratique de notre pays ? Trois chercheurs ont publié en 2021 une étude qui évalue la responsabilité d’un citoyen canadien dans la réduction des émissions de CO2 lorsque celui-ci décide de voter pour un candidat favorable à des mesures vigoureuses en faveur du climat.

 

Seth Wynes, auteur principal de l’article explique ainsi le but de l’étude : « Si je veux savoir combien d’émissions j’économise en passant d’un véhicule thermique à un véhicule électrique, je peux tout à fait le trouver ; il en va de même pour l’achat de réfrigérateurs plus performants ou pour la transition vers une alimentation végan. Mais que se passera-t-il si je vote pour tel candidat ? Nous n’en avons aucune idée. Il est décevant que personne n’ait jamais essayé de le mesurer. »

Partant donc du constat qu’il n’existe pas aujourd’hui de mesure de l’impact d’un vote sur la réduction des émissions de CO2, les auteurs se sont lancés le défi d’estimer la responsabilité des électeurs à partir des élections canadiennes de 2019, une campagne où les partis étaient clairement divisés sur la question du climat. Le Parti conservateur souhaitait annuler la taxe carbone et promulguer des politiques contraires aux conseils des experts du climat. Le Parti libéral, (le gagnant), et trois autres partis, souhaitaient mettre en place des politiques censées réduire les émissions de CO2.

Une analyse des programmes des deux partis en tête de liste a permis de conclure que, d’ici 2030, le Canada émettrait 100 millions de tonnes (Mt) de CO2 de moins par an sous un gouvernement dirigé par les libéraux, soit 14 % des émissions du pays en 2021. Ce qui donnerait une somme cumulative de 612 Mt d’ici 2030 et un total de 192 Mt pour cette élection, en retenant les réductions d’émissions projetées qui seraient réalisées sur 3,4 ans (la durée moyenne d’un mandat au Canada).

Pour estimer la responsabilité des électeurs en matière d’émissions, les chercheurs ont réparti le total des émissions entre les 338 circonscriptions électorales qui élisent les membres du Parlement, et attribué une responsabilité égale à chaque électeur inscrit dans ces circonscriptions. Ils obtiennent ainsi une valeur médiane sur un an d’une réduction de 6,7 tonnes d’émissions de CO2 (équivalent) par électeur inscrit. Cette estimation attribue la responsabilité aux personnes inscrites qui n’ont pas voté et aux personnes dont le candidat choisi n’a pas gagné dans leur circonscription.

Pour aller plus loin, ils ont également réparti les réductions d’émissions prévues à la suite de l’élection uniquement entre les circonscriptions électorales gagnantes, c’est-à-dire les circonscriptions où le Parti libéral ou un autre parti favorisant des politiques climatiques a été élu. Les émissions dans chaque circonscription électorale gagnante sont alors distribuées uniquement aux personnes qui ont voté pour le candidat gagnant. Dans cette approche, l’électeur gagnant médian est responsable d’une réduction de 34,2 tonnes de CO2, tandis que les électeurs de la circonscription électorale la plus influente sont responsables de la réduction de 228,7 tonnes de CO2.

Quand ils comparent leurs résultats avec d’autres “gestes écolos”, aller voter serait 14 fois plus impactant que d’arrêter de prendre sa voiture, 21 fois plus impactant que de se passer d’un vol transatlantique, 43 fois plus impactant que de suivre un régime végétarien et 171 fois plus impactant que de faire du recyclage !

Source : Bloomberg, 23 mai 2022 

Dans une deuxième approche plus probabiliste, les chercheurs ont étudié la rationalité pour un citoyen de choisir de faire un don à une campagne électorale “pro-climate” plutôt que d’acheter des compensations carbone (“carbon offsets”). Ils en concluent que soutenir une campagne peut être plus efficace en termes de réduction de CO2 que des investissements privés.

Au sujet de l’étude, les chercheurs précisent : “Les études de cas servent d’exemples illustratifs et ne doivent pas être considérées comme des estimations précises de l’impact climatique du vote. Le coût de l’obtention d’un vote dans une campagne variera toujours en fonction des spécificités de la campagne en question. À l’avenir, nous aurons peut-être une meilleure compréhension de la façon dont cette valeur évolue dans différentes circonstances. Les études de cas suggèrent néanmoins que la responsabilité des individus en matière d’émissions dans le cadre des élections peut être comparable à la responsabilité qu’ils peuvent encourir en matière d’émissions dans leur vie quotidienne.”

Si l’étude avait été réalisée en France, les résultats seraient sans doute différents. Il n’en reste pas moins que voter et contribuer à faire élire des hommes politiques qui prennent au sérieux la crise écologique et tentent d’y remédier est un “éco-geste” plus important qu’on ne le pense. Certes, il n’y a pas forcément des candidats aux élections qui prennent au sérieux la crise écologique ET qui en même temps défendent les valeurs dans lesquelles beaucoup de chrétiens se reconnaissent. Pour autant, nous vous invitons à ne pas négliger le pouvoir de votre vote, à vous informer et à prier pour savoir pour quel candidat voter…et pourquoi pas envisager de vous présenter à une prochaine élection ? 🙂

L’Hermite : protéger un papillon vulnérable en France

L’Hermite est un papillon en forte régression en France, où il a disparu de 54 départements depuis les années 1980. Identifié sur le Domaine des Courmettes, nos équipes scientifiques ont démarré une étude pilote pour connaître et estimer la taille réelle de la population sur le site.

L’Hermite : une espèce en danger encore mal connue 

Bien que classé  « En danger » sur la liste rouge régionale PACA et « Vulnérable » au niveau national, l’Hermite n’est pas une espèce protégée en France. La cause principale avancée pour expliquer sa régression est l’abandon du pâturage extensif : l’espèce dépend d’une végétation rase pour pondre et le pâturage permet de maintenir cette végétation rase. Plusieurs autres causes sont en cours d’étude comme par exemple la présence de polluants chimiques dans les plantes consommées par les chenilles. L’Hermite est une des espèces cibles du Plan National d’Actions (PNA) en faveur des papillons de jour.

Malgré les enjeux, peu d’études sur l’Hermite ont été conduites et plusieurs questions demeurent : quelles sont les plantes hôtes utilisées par l’espèce au niveau local ? Quelle est la capacité de dispersion de ce papillon ? Quelles sont les modalités de gestion des sites favorables à l’espèce ? Comment hiérarchiser les facteurs de déclin ?

Une étude pilote aux Courmettes

Le Domaine des Courmettes abrite des habitats favorables à l’espèce (pelouses sèches rases et sols caillouteux) et des individus de l’espèce sont régulièrement observés sur le site. Face au manque de connaissances sur l’écologie de l’espèce, nos équipes ont décidé de démarrer une étude dont les objectifs sont doubles :

– Connaître et estimer la taille réelle de la population sur le site

– En fonction des données et du temps disponible, estimer la durée de vie moyenne des papillons et identifier les plantes-hôtes utilisées par la chenille de l’Hermite

Cette étude s’inscrit dans la déclinaison régionale PACA du PNA (Plan National d’Actions).

Premiers résultats 

En 2021 nous avons observé au minimum une vingtaine d’individus différents, en majorité des mâles (62%). La cartographie des observations des individus ne montre pas de différence de répartition entre les mâles et les femelles. Par ailleurs, si les femelles ont été observées de façon égale tout au long des cinq semaines de l’étude, 70% des mâles ont été observés avant le 15 août, ce qui suggère une activité plus importante en début de période de vol ou une métamorphose plus précoce pour ceux-ci.

Le protocole en lui-même nécessite quelques adaptations, comme modifier les horaires de passage : la majorité des observations ont été réalisées lors des sessions présentant les conditions les moins favorables (couverture nuageuse importante et/ou vent) suggérant que le protocole doit être réalisé en dehors des heures les plus chaudes, tôt le matin et en fin de journée. Il sera également nécessaire d’augmenter le nombre d’individus capturés pour pouvoir réaliser les analyses permettant de répondre aux objectifs de l’étude.

Nous prévoyons de poursuivre l’étude au cours de l’été 2022 et des discussions avec d’autres partenaires sont en cours pour monter une étude inter-régionale sur l’espèce en 2023.

Le rapport d’étude complet est accessible ici.