A lire : le défi de la non-puissance selon Ellul et Charbonneau
David et Jonathan, Augustin et Alypius, J.R.R. Tolkien et C.S. Lewis… comment ne pas être fasciné par ces amitiés qui ont inspiré tant de belles choses ? L’amitié entre Jacques Ellul et Bernard Charbonneau a également porté des fruits bien au-delà de la sphère privée.
Nés respectivement en 1910 et 1912, Ellul et Charbonneau ont grandi dans la région de Bordeaux, et se sont connus sur les bancs du lycée. Ellul se convertira au christianisme à l’âge de 17 ans, tandis que Charbonneau restera agnostique toute sa vie.
Frédéric Rognon, spécialiste reconnu de Jacques Ellul, explore les engagements à la fois intellectuels et militants de ces deux amis qui « ont consacré leur existence à analyser les mutations de nos sociétés, à évaluer les signes du temps, à esquisser les évolutions possibles à venir, et à s’engager dans des combats décisifs[1].»
Les sujets traités sont divers : la recherche de l’efficacité à tout prix, le sens des limites, l’idolâtrie de la voiture, l’alimentation, la condition animale. « Marginalisés de leur vivant, sinon ostracisés par la sphère intellectuelle française qui ne pouvait entendre leurs cris d’alarme, ils ont été redécouverts à l’orée du XXIe siècle, lorsque l’on s’est aperçu que leurs prévisions s’avéraient (hélas!) tout à fait fondées[2] »
Ellul et Charbonneau ont développé une pensée originale sur les grandes questions sociétales, tout en restant ancrés dans un territoire. Tous les deux étaient actifs dans la protection du littoral atlantique.
Pour A Rocha aussi, que ce soit par le travail dans nos centres ou par le développement de groupes locaux, cet attachement au local est une valeur clé, et ce livre nous apporte vraiment matière à réflexion. Il nous invite également à réfléchir sur les liens entre engagement et amitié. Ellul et Charbonneau ont chacun stimulé et enrichi la pensée de l’autre, et cela sur plusieurs décennies. Sommes-nous capables de cultiver de telles amitiés à l’échelle d’une vie ? Ou sommes-nous tellement pressés, tellement pris dans le feu de l’action, que nos engagements ont plutôt tendance à distendre nos relations qu’à les fortifier ?
Ellul avait peut-être trouvé une clé : « La liberté en Christ consiste à considérer chacune de nos œuvres (politiques, économiques, techniques…) comme inutile, provisoire et relative. Il ne s’agit pas pour autant de se retirer du monde, mais de vivre pleinement dans le monde sans idolâtrer nos œuvres[3]. »
[1] Frédéric Rognon, Le défi de la non-puissance : L’écologie de Jacques Ellul et Bernard Charbonnier, Collection Convictions et Société, Lyon, éditions Olivétan, 2020, p. 10.
[2]Ibid., p. 11.
[3]Ibid., p. 149