COP15 Biodiversité : débloquons des fonds !
Tribune co-signée par A Rocha en tant que membre de l’UICN, publiée dans le journal Le Monde le 6 décembre 2022.
Alors que 196 Etats sont réunis à Montréal, du 7 au 19 décembre, pour adopter le nouveau cadre mondial pour la biodiversité, les membres du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature appellent, dans une tribune au « Monde », à une mobilisation beaucoup plus forte de financements pour la biodiversité.
A un moment où les pressions qui s’exercent sur le vivant n’ont jamais été aussi fortes, de grandes attentes reposent sur la COP15 de la biodiversité. Sur fond de double crise du climat et de la biodiversité, les 196 Etats parties de la Convention sur la diversité biologique doivent adopter le nouveau cadre mondial pour la biodiversité. Si la pandémie a retardé l’agenda international, la nature n’attend pas. Notre planète est en crise, et la situation va empirer si nous n’agissons pas davantage dès maintenant.
Comme pour l’accord de Paris sur le climat, nous avons besoin d’une haute ambition politique des Etats pour enrayer la perte de la biodiversité d’ici à 2030 et en assurer sa restauration d’ici à 2050. Œuvrons pour un monde positif envers la nature tout comme nous œuvrons pour un monde neutre en carbone, car les crises du climat et de la biodiversité sont intimement liées et doivent être résolues ensemble.
Les négociations finales, du 7 au 19 décembre, à Montréal, seront cruciales pour la sauvegarde de la planète. Alors qu’aucun des précédents objectifs fixés à l’horizon 2020 n’a été atteint et que la pression sur les milieux naturels ne cesse de s’accroître, nous demandons un cadre d’action robuste avec des objectifs chiffrés et précis tels que :
– L’objectif de conservation d’au moins 30 % des écosystèmes terrestres, d’eau douce, marins et souterrains d’ici à 2030 à l’échelle mondiale, et l’amélioration de l’efficacité de gestion des aires protégées.
– L’arrêt de la perte de superficie et d’intégrité des écosystèmes et la restauration d’au moins 2 milliards d’hectares de milieux naturels dégradés.
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– Un renforcement de la conservation des espèces pour empêcher toute nouvelle extinction, améliorer le statut de celles qui sont menacées et rétablir l’abondance des espèces.
– Le déploiement des « solutions fondées sur la nature » [des actions qui s’appuient sur les écosystèmes] pour lutter et s’adapter au changement climatique et répondre à d’autres défis comme l’alimentation et l’approvisionnement en eau.
Nous avons en outre besoin d’une stratégie mondiale qui fasse l’objet d’un meilleur suivi, avec des évaluations régulières et obligatoires des actions mises en œuvre par les Etats, à chaque COP de la biodiversité, tous les deux ans, pour vérifier que l’atteinte des objectifs est en bonne voie. Ce système de comptes rendus réguliers des Etats devra être basé sur des indicateurs fiables.
Mieux vivre avec la nature
Un enjeu crucial du cadre mondial concerne la réduction des menaces qui pèsent sur la biodiversité et la préservation des 70 % de zones non protégées. Pour relever ce défi, des changements importants sont nécessaires dans nos modes de production et de consommation. D’autant que la pandémie nous a rappelé que plus nous détruisons les environnements, plus les risques d’émergence de nouvelles maladies sont grands. Nous devons nous engager sur des modifications profondes et, pour y parvenir, renouveler nos relations au reste de la nature pour mieux vivre ensemble et interagir autrement avec le vivant, comme nous l’avons rappelé dans notre rapport, en 2021 (« L’Avenir du vivant. Nos valeurs pour l’action »).
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Alors que la moitié du PIB mondial dépend de la nature, le budget actuel de financement pour préserver la biodiversité affiche toujours un déficit de l’ordre de 700 milliards de dollars (663 milliards d’euros) par an d’ici à 2030 (selon le rapport « Financing Nature : Closing the Global Biodiversity Financing Gap », établi en 2020).
Nous appelons à une mobilisation beaucoup plus forte de financements pour la biodiversité, afin d’atteindre au moins 200 milliards de dollars par an (contre seulement 130 milliards annuels aujourd’hui). Nous réclamons également la baisse des subventions néfastes à la nature et la réallocation d’au moins 500 milliards de dollars par an (476 milliards d’euros).
Nous voulons enfin que la COP15 soit le démarrage d’une plus grande mobilisation de l’ensemble des acteurs, en particulier les scientifiques, les ONG, les collectivités locales, les peuples autochtones et communautés locales, les citoyens, les jeunes et les femmes. Et nous demandons aux entreprises publiques et privées d’évaluer, de rendre compte et de réduire leurs impacts négatifs – de moitié au moins – pour enrayer la crise de la biodiversité.
Le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est une organisation non gouvernementale. Au niveau international, l’UICN, qui rassemble quelque 1 300 organisations, est la seule structure environnementale qui a le statut d’observateur auprès de l’ONU.
Premiers signataires :
Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’UICN
Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’UICN
Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle
Jean Jalbert, directeur général de la fondation Tour du Valat
Charlotte Meunier, présidente de Réserves naturelles de France
Bernard Chevassus-au-Louis, président d’Humanité & Biodiversité
Valérie Collin, secrétaire générale de Noé
Jérôme Fromageau, président de la Société française pour le droit de l’environnement
Agnès Vince, directrice du Conservatoire du littoral
Cécile Erny, directrice de l’Association française des parcs zoologiques
L’ensemble des signataires :
Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France
Marie-Hélène Aubert, présidente du Partenariat français pour l’eau
Ghislain Bardout, cofondateur et codirecteur des expéditions Under The Pole
Patrick Blandin, attaché honoraire du Muséum national d’histoire naturelle et président d’honneur du comité français de l’UICN
Jean-Pierre Bouquet, président délégué des Eco maires
Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux
Rachel Calvert, présidente d’A Rocha France
Bernard Chevassus-au-Louis, président d’Humanité & Biodiversité
Elisabeth Claverie de Saint Martin, présidente-directrice générale du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
Stéphanie Clément-Grandcourt, directrice générale de la Fondation pour la nature et l’homme
Valérie Collin, secrétaire générale de Noé
Bernard Cressens, président d’honneur du comité français de l’UICN
Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle
Bertrand Dehelly, président de l’Association des amis de la forêt de Fontainebleau
Rodolphe Delord, président de Beauval Nature
Frédéric Di Meglio, président de la Fédération française d’études et de sports sous-marins
Cécile Erny, directrice de l’Association française des parcs zoologiques
Jérôme Fromageau, président de la Société française pour le droit de l’environnement
David Germain-Robin, directeur du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) France
Marc Giraud, porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas)
Ingrid Gonzalez, collectif de direction, Association interprofessionnelle des écologues (AFIE)
Jean Jalbert, directeur général de la fondation Tour du Valat
Gilles Kleitz, président de la commission des aires protégées du comité français de l’UICN et directeur exécutif développement durable de l’Agence française de développement
Hélène Labach, directrice de l’association MIRACETI
Marie-Clélia Lankester, coordinatrice du pôle Patrimoine, sciences et environnement de la Fédération française de spéléologie
Frédéric Launay, président de Panthera France
Christophe Lépine, président de la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels
François Letourneux, président d’honneur du comité français de l’UICN et président de la Fête de la nature
Céline Liret, directrice scientifique d’Océanopolis
Alban de Loisy, directeur général de la Fondation François Sommer
Philippe Mauguin, président-directeur général de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)
Charlotte Meunier, présidente de Réserves naturelles de France
Erik Orsenna, président d’Initiatives pour l’avenir des grands fleuves (IAGF)
Michel Prieur, président du Centre international de droit comparé de l’environnement (Cidce)
Guillaume Réveilhac, président de l’Alliance pour la préservation des forêts
Patricia Ricard, présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard
Jacques Rocher, président de la Fondation Yves Rocher
Christine Rollard, présidente de l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE)
Aurélien Sautière, directeur exécutif de FSC France
Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement
Benoît de Thoisy, directeur de l’association Kwata
Patrice Valantin, président de l’Union professionnelle du génie écologique
Valérie Verdier, présidente directrice générale de l’Institut de recherche pour le développement (IRD)
Louis Villaret, président du réseau des Grands Sites de France
Agnès Vince, directrice du Conservatoire du littoral
Michaël Weber, président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France