Des îles artificielles pour aider la reproduction des goélands et des sternes

5 avril 2023

Sept espèces de petits goélands et de sternes se reproduisent en colonies mixtes dans les marais, les lagunes et les salines le long de la côte méditerranéenne française. La plupart de ces espèces ont un statut de conservation préoccupant : la détérioration de leurs sites de nidification a été identifiée comme l’un des principaux problèmes. Depuis 10 ans, 16 structures gestionnaires d’espaces naturels ont restauré ou créé des îlots artificiels avec des sites de nidification. Les résultats de l’étude menée par notre directeur scientifique Timothée Schwartz ont été dévoilés le 29 mars 2023 dans un article publié dans le journal Conservation Biology. Ils sont très encourageants !

Colonie de goélands méditerranéens Ichthyaetus melanocephalus © SzymonBartosz

De la restauration aux pièges

Même avec les meilleures intentions, les interventions humaines visant à favoriser la restauration de la nature ne fonctionnent pas toujours comme prévu. D’une part, la restauration peut recréer des habitats attrayants pour les espèces menacées, généralement parce qu’elle reproduit des habitats de bonne qualité pour l’espèce cible. D’autre part, la qualité réelle du site restauré peut être insuffisante pour l’espèce, de sorte que sa reproduction pourrait être compromise ou réduite dans le paysage restauré. Une telle inadéquation entre l’attractivité et l’adéquation des habitats restaurés crée ce que l’on appelle un « piège écologique« . Malheureusement, ces pièges peuvent avoir des conséquences néfastes sur les populations d’espèces menacées.

Sur le terrain, de tels pièges peuvent apparaître lorsque des ressources attractives du paysage – telles que les sites de reproduction – sont restaurées avant que toutes les autres ressources nécessaires ne soient disponibles – telles que les ressources alimentaires. Un tel risque peut survenir lors de la mise en place de sites de reproduction artificiels tels que des nichoirs. Cependant, peu d’études ont évalué l’attractivité et l’adéquation de ces constructions artificielles. Une telle évaluation est nécessaire pour déterminer si les habitats restaurés sont des pièges écologiques ou non. Dans notre étude, nous avons étudié cette question en explorant les résultats d’un vaste projet de restauration de sites de nidification de goélands et de sternes coloniaux dans le sud de la France.

 

Restauration de sites de nidification pour les goélands et les sternes dans le sud de la France

Sept espèces de petits goélands et de sternes se reproduisent en colonies mixtes dans les marais, les lagunes et les salines le long de la côte méditerranéenne française : le goéland railleur Chroicocephalus genei, le goéland méditerranéen Ichthyaetus melanocephalus, la sterne naine Sternula albifrons, la sterne caugek Thalasseus sandvicensis, la sterne caugek Gelochelidon nilotica, la sterne pierregarin Sterna hirundo, et la mouette rieuse Chroicocephalus ridibundus. La plupart de ces espèces ont connu un statut de conservation préoccupant au cours des dernières décennies. La détérioration de leurs sites de nidification a été identifiée comme l’un des principaux problèmes. 154 îlots ont donc été créés ou restaurés entre 2007 et 2016, afin de fournir des sites de reproduction alternatifs à ces espèces d’oiseaux. Pour réussir, ces sites doivent attirer une ou plusieurs des espèces cibles et leur permettre d’avoir un succès de reproduction meilleur ou similaire à celui des sites non restaurés. Pour le savoir, nous avons analysé un ensemble de données issues d’un suivi de 10 ans de 1000 sites de reproduction, dont les 154 îles artificielles restaurées ou nouvellement créées. Nous avons étudié les préférences des espèces pour différentes caractéristiques des îles artificielles (distance au rivage, forme et surface, type de substrat recouvrant l’îlot, pourcentage de couverture végétale, profondeur de l’eau autour du site) et la manière dont ces caractéristiques affectaient les performances de reproduction afin de fournir des lignes directrices pour la restauration future des îles.

 

Une réussite

Comme attendu, nous avons constaté que les îlots restaurés et créés étaient plus attrayants que leurs homologues naturels, pour six espèces sur sept, à l’exception de la mouette rieuse. Le projet de restauration a donc réussi à créer des sites de nidification attrayants. En regardant dans le détail, nous avons constaté que l’attractivité des sites de nidification était liée à l’état de l’îlot l’année précédente. En effet, la colonisation d’un îlot par une espèce était plus importante lorsque les sites avaient été occupés par d’autres espèces l’année précédente. De plus, les colonies avaient tendance à être plus fidèles à leur site de reproduction lorsque la reproduction avait été réussie au cours de l’année précédente (sauf pour la sterne de Sandwich). Sur les îlots artificiels, nous avons constaté que l’attractivité augmentait avec la distance au rivage. Ceci suggère qu’un isolement plus important des îlots est associé à la perception d’un risque réduit d’être prédaté par des prédateurs terrestres.

Enfin, nous avons montré que la reproduction des différentes espèces se déroulait mieux sur les îlots artificiels, avec de meilleures chances de réussite et un plus grand nombre d’oisillons par couple reproducteur. Nous pouvons donc conclure que les sites de nidification construits par l’homme se sont avérés à la fois attractifs et adaptés aux espèces ciblées, de sorte qu’ils n’ont pas créé de pièges écologiques pour les sternes et les goélands coloniaux nichant le long de la côte méditerranéenne française.

 

Vers une évaluation robuste des projets de restauration

Dans l’ensemble, notre étude montre que le test de l’hypothèse du piège écologique est un moyen robuste d’évaluer le succès réel des projets de restauration. Ce test pourrait être facilement étendu pour évaluer d’autres projets de restauration ciblant des espèces menacées. Cela pourrait contribuer de manière significative à mieux informer la science et la pratique de la conservation.

Pour aller plus loin : Com presse – Sites de nidification attractifs -avril 2023

Pour en savoir plus :

Schwartz, T., Besnard, A., Pin, C., Scher, O., Blanchon; T., Béchet, A. and Sadoul, N. 2022. Efficacy of created and restored nesting sites for the conservation of colonial Laridae in the south of France. Conservation biology: https://doi.org/ 10.1111/cobi.14005

 

 

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