Églises évangéliques et mission : quelle place pour le soin de la création ?

4 octobre 2024

50 ans du Mouvement de Lausanne

 

Plus de 5 000 évangéliques, représentant 202 nations, se sont rassemblés pour le quatrième congrès du Mouvement de Lausanne à Séoul, Corée, pendant la dernière semaine de septembre. D’autres ont participé en ligne. Leur but : Qu’ensemble l’Église proclame et mette en évidence le Christ. 

 

Le Mouvement de Lausanne et le soin de la création

L’influence de deux théologiens d’Amérique latine a été d’une importance capitale pour l’adoption de la notion de mission intégrale dans la pensée des chrétiens évangéliques. Présents au premier congrès (retrouvez l’histoire du Mouvement de Lausanne ci dessous), René Padilla et Samuel Escobar rappelaient avec insistance que l’Evangile a des conséquences dans tous les domaines de la vie en société : « l’évangélisation et l’engagement sociopolitique font tous deux partie de notre devoir chrétien. » 

Il faut attendre le congrès de 2010 au Cap, en Afrique du Sud, pour que la responsabilité des chrétiens face aux enjeux environnementaux soit adressée directement. L’Engagement du Cap, document clé du troisième congrès, affirme que « nous ne pouvons dissocier notre relation au Christ de la façon dont nous agissons vis-à-vis de la terre. En effet, proclamer ce que dit l’Évangile : « Jésus est Seigneur », c’est proclamer l’Évangile qui inclut la terre, puisque la seigneurie du Christ s’étend sur toute la création. Le soin de la création est ainsi un aspect de l’Évangile qui entre dans le cadre de la seigneurie du Christ. »

Ce même document décrit la « mission intégrale » comme « discerner, proclamer et vivre la vérité biblique selon laquelle l’Évangile est la bonne nouvelle de Dieu, annoncée par la croix et la résurrection de Jésus-Christ, pour les personnes individuellement, et pour la société, et pour la création. » 

Un groupe de travail, réunissant les membres du Mouvement de Lausanne et de l’Alliance évangélique mondiale engagés pour la protection de la création, fût formé suite à un rassemblement en Jamaïque en 2012. Ce groupe rédiga et publia l’Appel à l’Action de la Jamaïque, demandant l’action de l’Église mondiale face à la crise « pressante qui doit être résolue de toute urgence par notre génération. » 

 Vidéo du rassemblement de la conférence de Lausanne sur le soin de la création aux Courmettes en 2017 – sous titre en français disponibles dans les paramètres.

Lausanne 4, Seoul 2024

En préparation du quatrième congrès, une étude sur l’état actuel de la mission dans le monde a été initée en 2019. Suite à un processus d’écoute et de partage de plus de 150 experts mondiaux de la mission, le rapport « État du Mandat missionnaire » présente les plus grandes lacunes et opportunités pour l’accomplissement du Mandat missionnaire. Le rapport comprend trois parties : statut actuel, changements de contexte et considérations régionales.

L’état des lieux sur la protection de l’environnement fait partie des études des changements de contexte, soulevant la question « qu’est-ce qui est durable ? ». Les auteurs reprennent le langage du mandat missionnaire de faire de toutes les nations des disciples  :

« Nous sommes appelés à faire des disciples qui vivent la vérité selon laquelle Jésus est le Seigneur de toute la création. Sans cela, nous risquons une évangélisation inefficace en ne répondant pas aux questions les plus profondes d’aujourd’hui. »

La protection de l’environnement et la justice climatique parmi un des six thèmes désignés comme les plus pertinents pour le contexte européen : « Tout comme le soin de l’autre et la santé ont été pendant des générations une priorité de la mission chrétienne, la santé de la création doit aujourd’hui être au cœur de nos priorités. »

Ce rapport, ainsi que la Proclamation de Séoul, ont été publiés avant le début du congrès de Séoul pour préparer le travail et catalyser la collaboration de l’Église mondiale dans la mission.  Chaque jour du congrès, des groupes de travail se sont réunis pour discerner comment mieux travailler ensemble sur les 24 lacunes identifiées par l’étude « Etat du Mandat Missionnaire », dont le soin de la création et des personnes vulnérables. Les sessions plénières se sont structurées autour du livre des Actes des Apôtres en examinant plusieurs thèmes dont le rôle du Saint Esprit dans la mission, le monde du travail et les leaders à l’image du Christ.

Voici la question qui me reste à la fin du congrès : comment puis-je, comment pouvons-nous, privilégier l’humilité, l’écoute, l’unité et le cœur de service exemplifié par Jésus dans nos interactions avec d’autres parties du corps de l’Eglise, surtout celles qui exercent et exprime des aspects de la mission autre que le soin de la création ?” Aline N.

Plusieurs équipiers et amis d’A Rocha ont pu participer au rassemblement ainsi qu’à la conférence sur le soin de la création qui a immédiatement suivi (voir tout en bas). C’est le cas de Rachel Calvert, Présidente d’A Rocha, et Aline Nussbaumer, ambassadrice et ancienne équipière des Courmettes, qui ont participé virtuellement au congrès.

Aline nous partage son vécu :

J’étais marquée et touchée par la posture de repentance établie dans les documents du Mouvement de Lausanne et reflétée dans l’ambiance du premier jour du congrès :

– pour le manque d’unité au sein de l’Eglise : Michael Oh (Directeur du mouvement Lausanne) a nommé une des phrases les plus dangereuse dans l’Église : « je n’ai pas besoin de toi »

– pour le manque de ferveur dans la prière pour que l’Esprit de Dieu soit déversé sur notre monde aujourd’hui

Je souhaiterais encourager le réseau A Rocha France car beaucoup de ce qui a était dit en terme de stratégie est déjà mis en pratique : la collaboration, le partage de ressources, la formation et l’envoi de personnes dans tous les coins de la France est déjà en marche avec les divers programmes, notamment celui du réseaux des ambassadeurs. Un challenge pour aller de l’avant serait de réfléchir comment inclure davantage les jeunes générations, notamment les ados, dans la direction ainsi que les activités de l’association.

Concernant l’intégration du soin de la création dans la vision des évangéliques de ce qu’est la mission de l’Église, il reste du chemin  à parcourir. Les interventions de la théologienne et missiologue Ruth Padilla De Borst (fille de René Padilla), de la climatologue Katherine Hayhoe [dont le livre, Saving Us, paraîtra en traduction française le 14 mars 2025 dans une collaborations A Rocha / éditions Bibli’O ; voir le résumé de l’intervention de Katharine Hayhoe] et du théologien Chris Wright durant le premier soir ont suscité des réactions mixtes des participants. La Proclamation de Séoul, publiée  avant le début du congrès, semblait critiquer les pratiquants de la mission intégrale pour leur manque de proclamation de l’Evangile.

Mais il y a de l’espoir, car le rassemblement a permis des échanges et la pollinisation entre les différentes thématiques de travail. Il y a une envie chez certains d’explorer comment les crises environnementales impactent différents aspects de la mission.

Voici la question qui me reste à la fin du congrès : comment puis-je, comment pouvons-nous, privilégier l’humilité, l’écoute, l’unité et le cœur de service exemplifié par Jésus dans nos interactions avec d’autres parties du corps de l’Eglise, surtout celles qui exercent et exprime des aspects de la mission autre que le soin de la création ?


Histoire du Mouvement de Lausanne

Le Mouvement de Lausanne est le fruit de la rencontre entre l’évangéliste américain Billy Graham et le théologien britannique John Stott (ami de Peter Harris et soutien de longue date d’A Rocha). Durant la deuxième partie du XXe siècle, Billy Graham exerça un ministère de proclamation de l’Evangile à des millions de personnes autour du monde. Par suite des changements de paradigmes politiques, économiques, intellectuels et religieux de son temps, Billy Graham ressentit le besoin de rassembler les leaders chrétiens pour reformuler la mission chrétienne face à la nouvelle ambiance sociétale.

En 1974, plus de 2 400 participants de 150 pays se retrouvèrent à Lausanne en, Suisse, pour dix jours de prière et de planification de la mission mondiale. Les participants signèrent l’Alliance de Lausanne, un document rendant publique leur résolution de proclamer l’Évangile entier à l’humanité entière et de faire de toutes les nations des disciples.

Il y a donc maintenant 50 ans que, le Mouvement de Lausanne existe pour conduire une coordination mondiale de mise-en-œuvre du mandat donné par Jésus aux disciples avant son ascension (Matt 28.19-20) par une vision en quatre point : (1) l’Évangile à la portée de chacun, (2) une Église qui fait des disciples, accessible à tous les peuples en tout lieu, (3) des leaders à l’image du Christ dans chaque Église et (4) dans chaque secteur, un impact dans chaque sphère de notre société.

L’alliance et la déclaration de Lausanne, ainsi que les documents issus des deux congrès suivants, devinrent des documents de référence pour des Églises évangéliques dans le monde entier. Le Manifeste de Manille, en 1989, appelle l’Eglise toute entière à apporter l’Evangile intégral au monde entier. L’Engagement du Cap, en 2010, est composé d’une confession d’amour pour Dieu, la parole, le monde, l’Évangile, le peuple et la mission de Dieu, et un appel à l’action dans six domaines identifiés comme prioritaires dans la mission mondiale.


Le congrès de Lausanne 4 s’est poursuivi par le Global creation care forum (forum mondial sur le soin de la création) organisé par Dave Bookless (directeur de la théologie d’A Rocha) et Jasmin Kwong. Jean-François Mouhot, directeur d’A Rocha France, a pu y assister virtuellement. Pour ceux que cela intéresse, les vidéos des différentes interventions sont à retrouver sur ce lien.

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